Investir en Afrique, oui, mais dans quels secteurs ? C’est toute la question des nouveaux méga projets d’investissement en Afrique. Le continent et ses richesses naturelles attirent toujours autant les investisseurs étrangers. Mais face au changement climatique, impossible de déconnecter les projets d’investissement des enjeux environnementaux.

Net recul des investissements en Afrique

2022 est marquée par un recul des investissements observé à l’international. Recul également observé en Afrique, avec 80 milliards d’investissements directs étrangers (IDE) en 2021 pour seulement 45 milliards en 2022. D’après le rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), l’Égypte, l’Afrique du Sud et l’Éthiopie sont les 3 pays du continent à avoir reçu le plus d’investissements directs étrangers (IDE). L’Égypte arrive en tête avec 11 milliards de dollars d’IDE. L’Afrique du Sud obtient la 2e place (9 milliards d’IDE), devant l’Éthiopie (3,7 milliards d’IDE). Le Sénégal est 4e avec 2,6 milliards d’IDE. Viennent ensuite le Maroc, la République démocratique du Congo (RDC), le Ghana, l’Ouganda, la Tanzanie et la Zambie, avec 0,116 milliard d’IDE.

Le rapport de la CNUCED relève une hausse de 4 % des flux vers l’ensemble des pays émergents, et particulièrement vers les pays d’Afrique. Malgré la chute des IDE, près de la moitié des gros projets d’investissements (projets supérieurs à 10 milliards de dollars) se trouvent en Afrique. De nouveaux projets qui concernent essentiellement l’approvisionnement en énergie et en gaz. De 24 milliards de dollars en 2021, les projets d’investissement dans ce secteur sont passés à 120 milliards de dollars. Les secteurs de la construction et de l’extraction sont tout aussi porteurs (respectivement 24 et 21 milliards de dollars). Les technologies de l’information et de la communication (TIC) attirent également les investisseurs étrangers. Investisseurs pour l’essentiel européens : le Royaume-Uni (60 milliards de dollars), la France et les Pays-Bas (54 milliards de dollars chacun) détiennent les plus grands stocks d’IDE en Afrique.

Investissements en Afrique : les secteurs porteurs

Industrie pétrolière, exploitation des pierres précieuses, matières premières, agriculture, agroalimentaire… Voilà donc les secteurs les plus porteurs pour investir en Afrique en 2023. Mais quels investissements réaliser ? En vue de quels bénéfices les réaliser ? Ces bénéfices seront-ils profitables à la population locale, à la croissance du pays africain ? Autant de questions qui sous-tendaient le premier Sommet africain sur le climat. Organisé par le Kenya et l’Union africaine (entre le 4 au 6 septembre), ce Sommet a réuni dirigeants et experts à Nairobi, pour trouver de nouvelles solutions à la crise climatique. Solutions qui, pour Stephen Jackson, Coordinateur Résident des Nations Unies au Kenya, sont indissociables de la question du financement. Revenant sur les secteurs porteurs en Afrique, il confirme que le continent dispose des plus grandes ressources naturelles en énergies renouvelables. La forêt tropicale Congo constitue le « deuxième poumon vert » de la planète. L’Afrique dispose également de la plus grande quantité de terres agricoles arables au monde.

Des méga projets d’investissement parfois controversés

Se repose alors la question de l’investissement. Car les défenseurs de l’environnement s’opposent à tout projet sacrifiant le continent africain pour le profit des investisseurs étrangers. Pour eux, chaque investissement doit nécessairement prendre en compte la menace du réchauffement climatique. Ils rappellent d’ailleurs que l’Afrique émet bien moins de dioxyde de carbone que ces voisins du Nord, mais subit davantage les conséquences du réchauffement climatique. Les méga projets d’investissements sont ainsi regardés avec plus de rigueur.

Ainsi, le méga projet du géant français TotalEnergies est, depuis son lancement, pointé du doigt par les ONG. En 2022, le groupe pétrolier français et CNOOC, son partenaire chinois, annonçaient un accord d’investissement de 10 milliards d’euros avec l’Ouganda et la Tanzanie, pour exploiter et exporter le pétrole ougandais. Le projet, qui prévoit la construction d’un oléoduc entre l’Ouganda et la Tanzanie, est l’un des plus importants au monde. L’Ouganda y voit une opportunité de recevoir davantage d’investissements étrangers et d’attirer d’autres investisseurs, grâce à son pétrole. TotalEnergies promet des créations d’emploi et une amélioration des conditions de vie des habitants.

Mais le projet suscite la controverse depuis les premiers jours. Un nouveau rapport de l’ONG Human Rights Watch paru le 10 juillet 2023 parle d’un « désastre » qui « contribuera à la crise climatique mondiale ». Le coût humain est lui aussi catastrophique, avec, selon le rapport plus de 100 000 habitants déplacés, et un appauvrissement de milliers de personnes. TotalEnergies rétorque qu’il verse des indemnités aux familles déplacées. Indemnités qui tardent parfois à venir, nuancent les intéressés, et qui seraient de toute manière insuffisantes pour couvrir les pertes subies. Pertes dont les conséquences se feraient sentir sur des années.

Vers un investissement vert ?

En novembre 2022, l’ONG allemande Urgewald profite de la COP27 pour publier le rapport « qui finance l’expansion des énergies fossiles en Afrique ». D’après ses conclusions, « Deux tiers [des nouveaux projets d’investissement dans les énergies fossiles] sont portés par des multinationales dont le siège se trouve hors d’Afrique et la majorité sont tournés vers l’exportation pour satisfaire les besoins occidentaux ». De son côté, la Banque mondiale rappelle que l’une des priorités pour les habitants du continent africain est d’accéder à l’électricité et à l’eau. Des besoins essentiels qu’il faudrait satisfaire dans un contexte de crise mondiale.

Pour l’Agence internationale de l’énergie, il faudrait multiplier par deux les investissements en Afrique et les capacités à produire de l’énergie dans les 10 ans à venir. Reste à savoir si l’accent sera mis sur les investissements verts ou sur les énergies fossiles. Pour certains experts, difficile d’imposer aux pays africains un abandon total des énergies fossiles. Malgré l’abondance de ressources naturelles et un ensoleillement propice au développement du photovoltaïque, ce secteur reste sous-exploité en Afrique. Un rapport de Bloomberg New Energy Finance fait même état d’une chute de 35 % des investissements dans les énergies renouvelables en Afrique entre 2020 et 2021, alors qu’ils augmentaient partout ailleurs (+9 % dans le monde).

D’où la question du financement posée lors du Sommet africain sur le climat. Booster les IDE, oui, mais avec un cadre permettant une réelle croissance sur le long terme. Des économistes rappellent que croissance économique et préservation des ressources naturelles ne s’opposent pas, mais agissent de concert. C’est le défi du continent africain.

Asaël Häzaq

A propos de Asaël Häzaq

Rédactrice pour Expat.com. Rédactrice actualité socio-économique, Japon, pop-culture.

Source – Article issu du site Expat.com